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« BOUFFONS ! ELOGE DE LA FOU’LOSOPHIE », AU « MUSÉE DU CARNAVAL ET DU MASQUE », À BINCHE, JUSQU’AU 11 SEPTEMBRE

« BOUFFONS ! ELOGE DE LA FOU’LOSOPHIE », AU « MUSÉE DU CANAVAL ET DU MASQUE », À BINCHE, JUSQU’AU 11 SEPTEMBRE

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« BOUFFONS ! ELOGE DE LA FOU’LOSOPHIE », AU « MUSÉE DU CARNAVAL ET DU MASQUE », À BINCHE, JUSQU’AU 11 SEPTEMBRE

© « MÜM »

Depuis le Moyen Âgeles Bouffons occupent une place de choix dans notre imaginaire. Clowns, fous du roivalets, …, ils prennent de nombreuses formes mais cherchent toujours à amuser le public en adoptant une attitude souvent subversive. Sous ses airs de saltimbanque grotesque, le Bouffon est une figure indispensable à de nombreuses représentations masquées.

Mise en place de l’exposition © « Müm »

Jusqu’au dimanche 11 septembrele « Musée international du Carnaval et du Masque »à Binche, nous invite à découvrir son exposition temporaire « Bouffons ! Eloge de la Fou’losophie ».

© Jacques Baudoux

Explorant la trajectoire particulière de ces figures à travers une série d’univers – celui des accessoires, des  images, du des marionnettes et du théâtre – pour terminer avec les Carnavals contemporains, cette  exposition nous interroge, en filigrane, sur le rôle du Bouffon dans notre société. À quoi sert-il ? Pourrait-on s’en passer Qui sont les Bouffons aujourd’hui ?

Sous ses airs de saltimbanque grotesquele Bouffon est une figure indispensable à de nombreuses représentations masquées, même si l’expression « bouffon » sonne aujourd’hui comme une insulte,  l’appelation, ainsi que le personnage, ont, en réalité, une longue histoire, que nous découvrirons tout au long du parcours de l’exposition binchoise, spécialement conçu pour plaire aussi bien aux enfants, qui pourront apprendre et découvrir en s’amusant, qu’à un public plus avertiamateur d’œuvres anciennes (reproduites ou originales), d’histoire et de sociologie.

© Jacques Baudoux

Ainsi, notons que le mot « bouffon » apparaît au XVIè siècle, dérivant du terme italien « buffare », qui signifie « gonfler les joues », une grimace populaire, qui consistait à gonfler ses joues d’air, puis à expireren émettant un bruit grossier.

A la Renaissance, ce terme désigne celui qu’on connaissait, aussi, sous le nom de « fou du roi »Amuseur  professionnel« fou-sage »marginal, mais aussi, parfois, conseiller, le Bouffon est un personnage ambigu.

La folie a traversé le dernier millénaire en revêtant divers masques et noms, tels l’insensé, le Bouffon, le  clown, le fol, le fou, le sot, … des mots familiers de nos jours.

© Jacques Baudoux

Le Carnaval est intrinsèquement lié à la folie. Durant plusieurs jours, la folie régit les viespousse à l’excès renverse le codesinvite à la satire et possède les masques. Le Carnaval tout entier lui est dédiéIl devient son Royaume.

Les mascarades européennes puisent leur inspiration dans un répertoire ancien de pratiques et de symboles liés à la foliece constat étant le point de départ de la présente exposition.

En faisant l’éloge de la « Fou’losophie » (clin d’oeil à un ouvrage, « L’Eloge de la Folie » {1509), du philosophe hollandais Erasme {1466-1536}), ce parcours pose une question majeure : la folie n’est-elle pas plus forte que la sagesse ? Les figures de Bouffons d’hier et d’aujourd’hui nous aident à y répondre.

© « Müm »

Dans les différentes salles, des panneaux didactiques nous révèlent des détails dont peu d’entre nous sont conscients. Ainsi, la présence des saucisses est évoquée. Fraîche, fumée ou séchéela saucisse était omniprésente durant les périodes carnavalesques. Les bouchers mettaient le cochon et ses dérivés à l’honneur, avant que la communauté entière ne commence son jeûne. Dès le mercredi des Cendresle gras laissait la place au maigrele cochon au hareng, ce poisson étant toujours, ce soir là, au menu des Gilles, à Binche.

© Jacques Baudoux

Pour en revenir à la saucisse, elle ne renvoie pas seulement aux cuisines médiévalessa forme phallique  incarnant les pulsions charnelles de l’homme ou de la femme, ne sachant se maîtriser. A l’opposé de l’homme de raison, le Fou est un être de passions et de lubricité. Le Carnavalce « monde à l’enver »permettait (ce qui devient plus difficile au XXIè siècle) que l’on oublie pendant un temps les règles de la bienséance, la sexualité y étant exacerbée, comme à New Orleans, où, durant la journée du Mardi-Gras, ce que nous avons nous mêmes constaté, en 1999, nombre de femmes apparraissentcomplètement dénudéesaux terrasses du célèbre « Quartier français », lançant des milliers de colliers et bracelets, en plasitique « made in Hong-Kong », dans une foule en délire.

Par ailleurs, dès le XVe siècle, la queue de renard est associée aux images de la folie. Touffue, brune ou rousse, elle est accrochée au bonnet ou au sceptre du Bouffon. Plus rarement, le manteau entier d’un fou en est recouvert, rappellant la bestialité propre à ceux qui vivent en marge de la société. De nos jours, la queue de renard incarne la folie des apparences et la duplicitéune chose représentant rarement ce qu’elle est vraiment … Alors, au détour d’un Carnaval, si nons croisons un personnage masqué affublé d’une queue de renard, prenons garde à ses flatteries, il risquerait de nous duper.

Sur les pages d’anciens livres © Jacques Baudoux

Dans un couloir de l’exposition, dédié à l’image du Foutrois portraits sonores nous proposent de découvrir la vie de Bouffons (des XVIè et XVIIè siècles) devenus célèbres. Des miroirs déformants nous renvoient un autre image, un peu folle, de nous-mêmes, alors que des Bouffons nous sont montrés aussi bien gravés sur les pages d’anciens livres, que comme jokers de jeux de cartes.

© « Müm »

À partir du 16e siècle, la Folie est un thème de prédilection pour les graveurs d’Europe du Nord et  particulièrement pour les artistes flamands. Dans ce contexte humanistele fou tourne en dérision ou dénonce les vices de l’Homme et les abus d’un monde qui tourne à l’envers. Dans les siècles qui suivent, la folie fait également des incursions dans le monde de la fête. Sous les traits de personnages bouffonesques (comme « Arlequin » et « Polichinelle », ce qui nous est révélé dans l’une des salles) ou encore à travers l’usage de certains accessoires (comme les clystères, les lunettes, les soufflets ou les vessies gonflées ou les soufflets), la gravure révèlant l’omniprésence de la foliele monde, quant à lui, n’étant autre qu’une vaste mascarade.

« Polichinelle » © Jacques Baudoux

Arrivé en ville sans le sou« Arlequin » dût se vêtir, afin de pouvoir trouver du travail. Rassemblant des  haillons disparates, il s’offrit un patchwork colorévêtement symbolique de son ingéniosité, quasi diabolique, et de sa résistance face aux dominants, les losanges, caractérisant sa tenue, évoquant la casaque irrégulière du fol médiévalsymbole de l’instabilité et de la fantaisie face à la rigueur et la droiture de l’élite dirigeante.

© Jacques Baudoux© Jacques Baudoux

Très vite, la figure du Bouffon s’imposa comme l’emblème de toute forme d’humour graphique. En  Angleterre, en 1841, l’hebdomadaire « Punch », qui se présentait comme le « Charivari anglais », prit pour figure de proue un personnage inspiré de« Pulcinella » (« Polichinelle »), le valet, d’origine paysanne – gourmandrusé et spirituel -, Bouffon de la « Comedia dell’ Arte ».

Le Bouffon transcende toutes les règles, faisant exception partout. Avec son costume asymétrique et ses  accessoires irrévérencieux, il évoque toute la fantaisie d’un peuple, qui s’affranchit de la platitude et du sérieux des élites.

Castelet et Marionnettes à gaines © Jacques BaudouxCastelet et Marionnettes à gaines © Jacques Baudou

Ces dernières, victimes de leur snobismene prennent pas au sérieux les marionnettistes, auxquels une  autre salle est consacrée. Nous y découvrons quelques marionnettes et deux castelets. Derrière ces derniersles marionnettistes, profitant d’un champ d’action beaucoup plus libre, développaient, à l’époque,  en toute impunitédes représentations dont le moteur principal de l’action était la contestation de l’autorité.

Marionnettes à tringles © Jacques Baudoux

Venons en à la « Salle du Banquet », où nous attend une table festiveinstallation de choix de cette exposition, nous rappelant que, par le passé, les jours gras célébraient l’opulenceavant que ne commence  le carême.

La table festive de la « Salle du Banquet » © « Müm »

Rassemblés pour festoyer, ils sont venus des quatre coins de l’Europe, tous ces personnages de mascarades  ayant un grain de folie ! Nous retrouvons, ainsi :

  • un « long nez » de Malmédy ; un « chinel » de Fosses-la-Ville, descendant du « Polichinelle », avec son sabre, qu’il utilise pour caresser les mollets des jeunes filles ;
  • de La Calamine, le« Prince Carnaval »un fou à qui le bourgmestre remet la clef de la ville pour le temps des jours gras, devenant, alors, le symbole d’un monde à l’envers, où règne la folie ;
  • avec sa « narrenwurst » (saucisse du fou), un« Gschell »Bouffon de style baroque, du Carnaval de Rottweildans le Bade-Wurtembergen Allemagne ;
  • venant de Stockach, dans cette même région, habitué à frapper le sol de sa vessie gonflée d’air, nous découvrons un « Hansele » ;
  • « Lo Beuffon », un Bouffon italien du « Camentran » (« carême entrant »), de Courmayeurdans le Val d’Aoste ; avec sa seringue géante, destinée à asperger les spectateurs, un vieillard baroquenommé  « Altfrankspritzer », d’Imstdans le Tyrol autrichien ;
  • bien sûr, un« Gille de Binche »sa coiffe de plumes d’autruches et ses oranges ;
  • un« Tamboureur »clown suisse, du Carnaval de Bâle, inscrit sur la liste du « Patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO » ;
  • nous venant des Asturiesen Espagne, un « Sidro », qui, au Moyen Âgeutilisait un fouet pour écarter la foule ;
  • aujourd’hui, toujours armé d’un fouet, qu’il utilise avec agilité, un « Hänsele »d’Überlingensise en  Allemagne, dans le Bade-Wurtemberg ;
  • originaire du XVè siècle, représentant du folklore anglo-saxonissu du Village de Moulton, dans le  Yorkshire, un « fou », du groupe « Moulton Morris Men », armé d’une vessie gonflée et d’une queue de renard ;
  • un membre de la « Confrérie des Bouffons »habitué à lancer, du haut du Beffroi, des milliers de  « pichous » (petits pains briochés), à l’occasion du« Carnaval de Tournai », dont l’origine remonte au XVè siècle.

La table festive de la « Salle du Banquet » © Jacques Baudoux

A l’occasion de notre visite, n’hésitons pas, sur un côté de la table, d’écarter une tenture, afin de découvrir une  fresque des plus amusantes.

Des « Bate-Bola » (Brésil) © Jacques BaudouxDes « Bate-Bola » (Brésil) © Jacques Baudoux

Pour terminer en beauté ce parcours, comment évoquer le Carnaval, sans penser à ceux du Brésil ? Ainsi, en parallège du grand cortège « officiel » du Carnaval de Rioles « Bate-bolas », affiliés à la famille des  clowns, envahissent les rues des banlieues« Bate-bola » signifiant littéralement« frappe-balle ».

Un « Bate-Bola » (Brésil) © Jacques Baudoux

 Preparations for the show of the Amidia group of Bate-bola (Carnival clowns) - Olaria, North Zone of Rio de Janeiro, 2017.
Un « Bate-Bola » (Brésil/illustration hors exposition) © Vincent Rosenblatt

Armés de leur ballon de baudruche (et non plus de vessies de porc), les bandes de « Bate-bola » courent dans les rues en faisant le plus de fracas possible.

Des « Bate-Bola » (Brésil/illustration, hors exposition) © Vincent Rosenblatt

Leurs déguisementshauts en couleurs, font l’objet d’une importante compétition entre les différents groupes. Elle représente un enjeu réel pour les chefs de bandes, qui investissent énormément d’argent, d’énergie et de temps à les concevoir.

Collection permanente : Masques aux cinq Coins du Monde © « Müm »

Ne manquons pas, à l’occasion de la visite de cette exposition temporaire, de (re)découvrir les collections permanentes : « Centre d’Interprétation du Carnaval de Binche »« Folklore et Caraval de Wallonie », ainsi que « Masques aux 5 Coins du Monde », cette dernière étant présentée dans cinq salleschacune d’entre elles étant dédiée à un continent.

© « Müm »

Ouverture (billeterie jusqu’à 16h30) : jusqu’au dimanche 11 septembre, du mardi au vendredi, de 09h30 à 17h, le samedi et le dimanche, de 10h30 à 17h. Prix d’entrée : 8€ (7€, pour les étudiants & les seniors / 3€50, de 6 à 17 ans / 1€, par membre d’un groupe scolaire de la Fédération Wallonie-Bruxelles / 0€, pour les moins de 6 ans). Contacts : 064/33.57.41 & info@museeumasque.beSite web :  https://www.museedumasque.be/.

© « Müm »

Pour nos enfants de 05 à 10 ans, soulignons l’organisationdu mardi 16 jusqu’au vendredi 19 aoûtd’un stage intitulé « Marotte & Marionnette », avec, au programme, visite ludique, initiation, confection, jeux et ateliers créatifs, afin de les aider à découvrir l’univers fabuleux des marionnettes Prix 70€Réservations : 064/33.57.41 & info@museeumasque.be.

Yves Calbert,
avec des textes du « Müm »
, rédigés sous la supervision de la conservatrice,
Clémence Mathieu. 
 

 

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